Dans l’univers très compétitif du football, devenir agent de joueurs n’est pas chose facile, surtout lorsqu’on part de loin et qu’on évolue dans un environnement peu structuré. Pourtant, certains, portés par une passion indéfectible et une foi inébranlable, parviennent à surmonter les obstacles pour faire rayonner leurs talents.
C’est le cas de notre interlocuteur, Paul Yeboua, au parcours inspirant, qui nous partage son cheminement, ses défis et ses rêves, dans une interview exclusive accordée à Africafoot, dans le cadre de la série d’articles ParoleAuxAgents.
Alors, qu’est-ce qui vous a amené dans le monde des agents de joueurs ?
Tout a commencé très tôt pour moi. Dans ma jeunesse, je jouais au football avec beaucoup de passion. Malheureusement, en 2018, une blessure au genou est venue briser mes espoirs de progression en tant que joueur. Toutefois, ma passion pour le football n’a jamais disparu, et je me suis découvert un vif intérêt pour le recrutement. J’ai toujours eu un œil pour détecter les jeunes talents.
Au Togo, malheureusement, il n’existe pas de formations spécifiques pour devenir recruteur. En 2022, j’ai voulu passer l’examen pour devenir agent de joueurs, mais faute de moyens financiers, j’ai dû abandonner ce projet.
En 2024, tout a changé. Alors que je créais du contenu sur TikTok en mettant en avant les joueurs togolais évoluant à l’étranger, mon envie de devenir agent ou recruteur est restée intacte. C’est cette année-là que j’ai rencontré Florent Kataka. Je lui ai proposé mes services en tant que recruteur pour Swallows, ce qu’il a accepté avec enthousiasme. Plus tard, il m’a encouragé à retenter l’examen d’agent FIFA, m’assurant qu’il m’aiderait à surmonter les obstacles financiers.
Ainsi, le 20 novembre 2024, j’ai passé l’examen. Le 27 novembre, j’ai reçu un e-mail de la FIFA m’annonçant ma réussite. Aujourd’hui, je suis officiellement agent de joueurs FIFA. Une immense fierté !
Depuis l’obtention de votre licence, quels mouvements avez-vous déjà réalisés ?
Pour l’instant, je n’ai pas encore orchestré de très gros transferts, mais quelques beaux débuts : j’ai négocié les contrats de trois joueuses parties évoluer en Arabie saoudite et j’ai également contribué au transfert d’un joueur en Côte d’Ivoire. Ce n’est que le début !
Quelles difficultés rencontrez-vous dans vos débuts ?
En mars dernier, j’ai entrepris une tournée à travers tout le Togo pour détecter de jeunes talents, en vue de participer au Tournoi de Rezé en France. Ce voyage m’a ouvert les yeux : dans le nord du Togo notamment, beaucoup de jeunes n’ont ni acte de naissance, ni papiers d’identité.
Cela complique énormément leur carrière, car même s’ils ont du talent, sans papiers officiels, il est impossible de leur ouvrir des portes. C’est un problème que je compte bien résoudre à mon niveau.
Il y a aussi le souci de visibilité : les joueurs togolais ont souvent peu d’exposition. Ils ne disposent pas de profils Transfermarkt, peu de vidéos professionnelles, et c’est un vrai frein. Mais ma passion est plus forte que les obstacles, et avec détermination et foi, je sais qu’on peut réussir.
Selon vous, pourquoi les joueurs togolais peinent-ils à percer à l’étranger ? Est-ce une question de niveau ou de visibilité ?
C’est un mélange des deux. Le niveau de jeu est évidemment important, mais la visibilité l’est tout autant. Même le meilleur buteur du championnat togolais peut avoir du mal à décrocher un contrat intéressant, contrairement à certains de leurs homologues d’autres pays.
Le problème vient aussi de la formation. Nos entraîneurs font un travail formidable, mais ils cumulent plusieurs rôles : coach, préparateur physique, parfois même kiné… Cela nuit à une préparation professionnelle complète des joueurs.
Un jeune joueur peut être très bon localement, mais dès qu’il sort de son environnement habituel et fait face à un nouveau niveau d’exigence, il a du mal à s’adapter. Le développement personnel et professionnel des joueurs doit être renforcé.
Quelles sont vos grandes ambitions dans ce métier ?
À court terme, je veux aider un maximum de jeunes joueurs togolais à atteindre des clubs professionnels, car je suis convaincu que notre pays regorge de talents inexploités. Mon rêve ultime ? Faire signer un joueur à Chelsea ou au FC Barcelone.
Je travaille dur pour cela : je vais dans les coins les plus reculés pour dénicher de jeunes pépites. Je suis convaincu que le jour où nos sélections U17 et U20 se qualifieront régulièrement pour les grandes compétitions africaines, tout le monde reconnaîtra le potentiel du Togo.
Aujourd’hui, ma plus grande fierté n’est pas l’argent, mais d’avoir changé la vie d’un jeune garçon de 12 ans, originaire de Zongo. Je l’ai aidé à rejoindre Swallows, où il est maintenant logé et nourri. Ce jeune avait perdu son père récemment, et pouvoir alléger la charge de sa mère est pour moi une immense victoire humaine.
Dans notre série d’articles #ParoleAuxAgents, à lire également : Tarek Oueslati : « En Afrique, le rôle du pouvoir politique est très important ».