Agent FIFA sous licence anglaise, le Français Tarek Oueslati (35 ans) exerce cette profession depuis 2014. Sous contrat avec une dizaine de joueurs et autant d’entraîneurs, le patron de l’agence Overdose Sport, basée à Londres, a accepté de parler de son métier durant une interview exclusive accordée à Africafoot, dans le cadre de notre série d’articles #ParoleAuxAgents.
Avant d’être agent, avez-vous pratiqué le football ?
Oui, dans les catégories de jeunes et au niveau amateur, dans des clubs d’Île-de-France, comme Les Lilas et Noisy-le-Sec. J’ai décidé d’être agent quand certains de mes coéquipiers ont réussi à devenir professionnels. Avec certains, nous avions continué à entretenir des relations, et je suis devenu, pour quelques-uns, leur agent. En 2014, j’ai donc créé Overdose Sport, à Londres. Je suis donc un agent FIFA travaillant sous licence anglaise.
Avec combien d’entraîneurs et de joueurs êtes-vous sous contrat ?
Une dizaine de joueurs et autant d’entraîneurs. Parmi les entraîneurs, il y a Hubert Velud, Stefano Cusin, Jean-Michel Cavalli, Raoul Savoy, qui travaillent ou ont beaucoup travaillé en Afrique. Et du côté des joueurs, les internationaux centrafricains Karl Namnganda et César Lobi Manzoki notamment. J’ai un portefeuille assez vaste.
Travaillez-vous beaucoup avec le continent africain ?
Je ne me cantonne pas à un seul continent. Je travaille avec l’Afrique, l’Europe, l’Asie. En ce qui concerne l’Afrique, j’ai pu remarquer que le rôle du pouvoir politique est très important quand il est question de la nomination du sélectionneur national. En Afrique, dans de très nombreux pays, c’est l’Etat qui prend en charge le salaire du staff technique.
Et quand vous travaillez avec un coach qui postule au poste de sélectionneur, vous ne rencontrez pas seulement le président de la fédération, mais aussi le ministre des Sports, et parfois même le chef de l’Etat. Car souvent, c’est à ce niveau que la décision est prise. Ce qui n’est pas le cas en Europe. Le chef de l’Etat français ou allemand ne va pas s’occuper de la nomination du sélectionneur de l’équipe nationale.
Effectuez-vous régulièrement des opérations avec des joueurs africains évoluant encore sur le continent ?

Cela arrive, oui. Mais, ce n’est pas toujours simple. Je suis Français avec des origines algériennes et tunisiennes. Je connais du monde dans ces deux pays. Toutefois, la Tunisie connaît des difficultés économiques, beaucoup de ses clubs également, et son championnat n’est plus, pour l’instant, un tremplin avant une possible arrivée en Europe. Le niveau a baissé.
Quant à l’Algérie, j’ai eu dans un passé récent une mauvaise expérience. Je devais transférer un joueur dans un club de Ligue 1 algérienne, mais je me suis aperçu que le président de ce club faisait des choses pas très claires dans mon dos, et j’ai mis fin aux discussions.
Selon vous, quel est le pays où il est le plus difficile de travailler ?
La France ! C’est un pays qui est très protectionniste, qui demande d’avoir une licence FFF pour pouvoir y travailler. Quitte à être un peu en contradiction avec les lois européennes.
D’un côté, on peut comprendre que la France veuille protéger les agents qui ont une licence FFF, mais de l’autre, je trouve que c’est un peu trop strict, car la France est affiliée à la FIFA. Il y a aussi la Chine. J’ai un litige avec un club qui a été liquidé et qui a été refondé sous un autre nom. C’est très complexe également.
La FIFA a-t-elle des règles assez solides pour protéger le métier d’agent ?
Oui, mais elle devrait les renforcer. Il y a encore trop de corruption. Le marché des agents est très concurrentiel. Mais, un des principaux problèmes est que des présidents de clubs, des directeurs sportifs agissent, dans l’ombre bien sûr, comme s’ils étaient eux-mêmes agents. Cela complique les choses, car ces personnes veulent se greffer aux opérations de transferts, pour récupérer de l’argent. Ils devraient être surtout intéressés par le projet du club et du joueur.
Quel est le transfert le plus étonnant que vous avez réalisé ces derniers mois ?
Sans doute celui de Karl Namnganda. Il évoluait à Karbala, en Irak, mais je lui ai trouvé un club en Bulgarie, à Pirin Blagoevgrad. Mais au mois de février dernier, nous avons eu une proposition venant d’un club du championnat de Chypre du Nord, Göcmenkoy IYSK. Or, la République turque de Chypre du Nord n’est reconnue que par la Turquie, mais ni par la FIFA, ni par l’UEFA.
Ses clubs ne participent donc pas aux coupes d’Europe. Mais les conditions étaient intéressantes et sportivement, cela se passe bien pour le joueur. Cela fait partie des destinations assez inhabituelles, mais on peut avoir de bonnes surprises.
Dans notre série d’articles #ParoleAuxAgents, à lire également : Salomé Compaoré, l’agent qui fait bouger le football burkinabè.