Ils rêvent d’Europe, de lumière, de gloire, mais pour beaucoup de jeunes footballeurs africains, le voyage vers le professionnalisme est semé d’embûches. Entre déracinement, solitude, pressions familiales et agents malveillants, la chute est souvent brutale. Ibrahim Niang, lui, a connu l’envers du décor.
Ancien joueur berné par son agent, il a finalement choisi de faire ce métier, jurant de ne laisser aucun jeune crack affronter seul ce labyrinthe. À travers son agence NI Conseils et Management, l’homme s’engage chaque jour à être le repère qu’il n’a jamais eu. Pas pour l’argent, mais pour la vérité, l’humain et la passion du jeu.
Au cours d’une interview exclusive accordée à Africafoot, dans le cadre de la série d’articles #ParoleAuxAgents, Ibrahim Niang parle de son combat pour les talents africains.
#1 « J’étais seul. Aujourd’hui, je veux être présent »
Ancien joueur passé par le Mali, Ibrahim Niang n’a pas oublié les douleurs silencieuses du parcours. Loin de la famille, plongé dans un univers sans repères, et surtout, accompagné d’un agent plus intéressé par ses propres poches que par son avenir.
Mon agent prenait mon salaire à ma place. Il me donnait 20%, soi-disant qu’il gardait le reste pour préparer mon départ vers l’Europe. Je n’avais aucune idée de ce qui se passait. J’étais juste un jeune qui rêvait.
Ce rêve, on lui a volé en partie. Alors, Ibrahim Niang a décidé de changer les choses pour les autres. Pour ceux qui, comme lui, auraient pu tomber.
#2 « Être agent, ce n’est pas négocier des primes, c’est tenir la main »
Avec son agence NI Conseils et Management, il a choisi une autre voie. Plus lente, plus exigeante, mais surtout plus humaine.
Le management, c’est sur le terrain. Le conseil, c’est en dehors. Et c’est là que beaucoup se perdent. Car ce que peu de gens comprennent, c’est que derrière chaque joueur, il y a un garçon parfois à peine majeur qui découvre l’exil, les responsabilités, la solitude.
Même sortir d’une pièce et penser à éteindre la lumière, c’est quelque chose qu’on apprend. Personne ne leur montre ces petits gestes, pourtant essentiels dans la vie.
#3 Cyriaque, Jack et les autres : des liens plus forts que des contrats
Parmi ses plus belles réussites, Cyriaque Irié, un jeune qu’il a découvert, soutenu et épaulé quand tout le monde doutait.
Personne ne croyait en lui, moi si. Il a été critiqué, mis de côté… C’est devenu un défi personnel. Et en moins d’un an, il a signé en Europe.
Ce n’est pas une simple signature sur un papier. C’est la preuve qu’un regard peut changer une vie. Il évoque aussi Jack Pantoulou Diarra, aujourd’hui tout proche de l’ESTAC, et d’autres jeunes qu’il accompagne dans des clubs comme Dijon. Mais jamais Ibrahim Niang ne cherche la quantité.
Je n’ai pas besoin de 50 000 joueurs. Un seul, si tu l’accompagnes bien, ça peut tout changer. Il faut être là, vraiment là.
#4 « Le vrai combat, ce sont les familles »
Le monde du football est dur. Mais parfois, les coups viennent de ceux qu’on aime. Ibrahim Niang a expliqué :
Tu prends un jeune quand il n’a rien. Tu le suis, tu le formes, tu le protèges. Et quand il réussit, un frère ou un oncle apparaît pour dire que c’est lui l’agent maintenant.
Dans ces moments-là, la douleur est profonde. Non pas pour l’argent, mais pour l’ingratitude :
Ils ne savent pas ce qu’on a traversé ensemble. Ils ne savent pas les nuits blanches, les galères. Mais ils veulent la place. Et une fois qu’ils l’ont… ils ne savent pas quoi en faire.
#5 Petits gestes, grands impacts
Dans les contrats qu’il négocie, Ibrahim Niang ne pense pas qu’aux chiffres. Il pense au cœur :
Aujourd’hui, un club peut prendre en charge les billets d’avion des parents pour qu’ils viennent voir leur enfant jouer en Europe. Le joueur ne le sait pas, mais moi, je le sais. Et je le négocie dans le contrat.
Ce détail, souvent invisible, a une portée immense :
Quand le joueur me dit merci parce que ses parents peuvent le soutenir, je me dis que c’est ça être agent, pas signer un chèque. Être ce lien, ce relais. Voilà pourquoi j’ai une connexion forte avec mes joueurs.
#6 « Ce n’est pas un métier, c’est une mission »
Face aux regards sceptiques, aux moqueries du début, le Franco-burkinabè a tenu bon :
On se moquait de moi. On me disait que je n’avais rien. Mais j’avais une chose que les autres n’avaient pas : la vérité.
Aujourd’hui, Ibrahim Niang a un carnet d’adresses solide, une vision claire et une détermination intacte. Son message aux futurs agents est simple mais puissant :
Il faut aimer. Il faut croire. Et il faut être vrai. Ce n’est qu’à ce prix-là que tu peux vraiment aider.
#7 « Je suis ce que j’aurais voulu avoir »
Ibrahim Niang ne veut pas simplement faire carrière. Il veut aider ceux qu’il accompagne. Il veut être ce qu’il n’a jamais eu : un frère, un mentor, un repère dans la tempête. Et dans un monde où tout va trop vite, il prend le temps d’être là. Il a conclu :
Je suis ce que j’aurais voulu avoir.
Dans notre série d’articles #ParoleAuxAgents, à lire également : Échange avec Jean Dolin Mbis sur ses expériences en tant qu’agent de joueurs.