Frank Welfringer, agent de joueurs, nous a accordé un entretien exclusif. Il a dévoilé à Africafoot des détails sur son parcours, ses expériences. Découvrez les confidences de l’ancien footballeur devenu agent Frank Welfringer, qui est aujourd’hui CEO et fondateur de FW Sports Conseils.
Avant d’être agent, vous avez eu une carrière de joueur, c’est ça ?
Oui c’est ça, j’ai eu une carrière de joueur. Après, à l’époque, j’ai été jusqu’en National.
Vous avez joué pour quels clubs exactement ?
J’ai été formé au Matra Racing. Et après j’ai joué à Levallois les années où Didier Drogba y évoluait. J’ai pu jouer avec lui, on se connait bien. J’ai joué là-bas pendant 4-5 ans puis, je suis parti à Noisy-le-Sec en National. j’ai évolué par la suite dans divers clubs.
Et votre carrière de joueur vous a aidé dans le cadre de votre activité d’agent ou pas nécessairement ?
Oui bien sûr, elle m’a aidé pour comprendre ce que les joueurs voulaient en fait, l’accompagnement. Moi, j’ai vu qu’à l’époque il n’y avait pas trop d’accompagnement, pas beaucoup d’agents. C’était pour les gros joueurs au départ, pas pour les joueurs amateurs.
C’est sûr que ça m’a apporté dans le sens où j’ai vu les besoins qu’il y avait. Et puis j’ai quand même la perception du jeu, c’est-à-dire que je sais reconnaître un bon joueur ou quelqu’un qui va probablement faire une carrière s’il n’y a pas d’embûches.
C’est vraiment ça en fait qui vous a fait tourner vers la carrière d’agent ?
D’abord, j’ai passé mes diplômes d’entraîneur et ensuite j’ai un ami d’enfance qui m’a dit « mais pourquoi tu ne fais pas agent, je pense qu’il y a de la demande, etc. » Et puis j’ai commencé en 2005.
Pour vous c’est quoi un bon agent ?
Un bon agent c’est pour moi un accompagnement de qualité, essayer de conseiller dans les meilleurs choix. Ce n’est pas trop évident parfois, mais un agent il est là dans les bons comme les mauvais moments. C’est comme dans la vie, les amis, on les voit quand il y a les bons et les mauvais moments. Un agent c’est ça pour moi.
Un agent, ça construit une carrière. Après, le problème qu’il y a avec l’agent c’est qu’il faut que ça soit réciproque. C’est un travail d’équipe. Le joueur pour moi c’est son propre agent, et l’agent il est là pour l’accompagner au plus haut niveau afin d’éviter des problèmes, mais pour moi le premier agent, c’est le joueur lui-même.
Après un bon agent c’est aussi connaître son joueur par cœur, savoir à quel poste il joue, quelle équipe va jouer dans ce système là. On ne vend pas des pommes de terre ! Si on met le joueur là-bas et qu’on ne sait pas quel système il y aura, ce ne sera pas bon pour lui. C’est donc vraiment important de connaître son joueur par cœur puis de définir un objectif performance ensemble.
Mais dans ce sens-là aussi vous prenez en considération les besoins du club auquel il pourrait jouer ?
Bien sûr, après ça dépend de la performance du joueur. Plus tu es performant, plus tu joues, plus tu es demandé. Après il y a joueur et joueur. A un moment donné, un agent ce n’est pas un magicien. Je le répète toujours, un agent il fait aussi l’offre et la demande. Plus ton joueur est bon, plus l’agent va être bon.
Comment est-ce que vous recrutez vos joueurs qui font partie de votre portefeuille, vous avez des détecteurs ou vous détectez par vous-même ?
Oui, j’ai des scouts qui travaillent avec moi. La plupart du temps ce sont mes joueurs qui me conseillent tels joueurs ou des amis. C’est beaucoup de bouche à oreille. Les clubs viennent de temps en temps vers vous dans le sens où ils sentent par exemple dans les centres de formation qu’il y a un besoin de suivi de tel ou tel joueur et donc ils font appel à vous. Les clubs ne donneront pas de joueurs à des agents, mais on discute souvent avec eux au niveau de l’accompagnement. Ils cherchent quand même des agents avec qui ils peuvent travailler sur du long terme.
En fait c’est le long terme le problème. Il y en a qui font du court terme. Pour moi, un travail d’agent c’est un travail de long terme. J’ai eu quand même des Gaël Angoula, qui est devenu arbitre et j’ai fait toute sa carrière et ce malgré l’absence de contrat.
J’ai eu Naïm Sliti, avec qui je travaille toujours et avec qui je n’ai pas de contrat. Mais ça c’était l’ancienne génération qui avait des principes, des valeurs. Il y avait moins l’effet de l’entourage et l’on pouvait vraiment travailler sur du long terme. Désormais, c’est vraiment difficile de garder un joueur.
Quand vous dites contrats, vous faites des contrats de courte durée?
Les contrats d’agent c’est 2 ans avec possibilité de renouveler. Le principal c’est la confiance entre le joueur et l’agent.
Après je peux comprendre que des joueurs changent d’agent parce qu’il y a un manque d’affinité, peut-être un manque de travail, je ne sais pas. Moi je fais ma carrière, je ne regarde pas ce qui se passe à côté. Chacun a son propre arbitre.
Comment vous opérez la sélection ? Vous demandez à vos scouts de cibler des joueurs en particulier ?
Ce qui m’intéresse, c’est souvent l’aspect hors terrain, la qualité du joueur. C’est très important. L’homme pour moi est plus important que le joueur.
Je demande de regarder beaucoup la mentalité. Je préfère un joueur avec une grosse mentalité et une grosse envie et qui joue déjà à un certain niveau. A certains niveaux, ils ont déjà les qualités, on ne va pas leur dire de savoir faire ci ou faire ça.
À un moment donné ce qui va faire la différence à ce niveau c’est le mental. J’ai une équipe avec moi, la Team FW Sports. J’ai un préparateur mental, une nutritionniste, un service médical… Je dispose d’un package à fournir aux joueurs pour qu’ils se trouvent dans les meilleures conditions.
Et ça, vous le proposez à l’ensemble de vos joueurs ?
Exactement, joueurs et joueuses. Après ils veulent, ils ne veulent pas, à eux de voir. Mais je propose ça en tout cas.
Tout le monde le fait ou pas ? Parce que maintenant tout ce qui est prépa mentale et nutrition c’est considéré comme la base ?
Je pense qu’il y a beaucoup d’agents qui s’y mettent, mais c’est plus les grands groupes. À un moment donné en France on a vu arriver ces gros groupes là. Tu ne peux plus être tout seul, isolé. Donc je pense qu’il faut constituer son groupe. L’union fait la force. Il faut avoir une équipe solide, susceptible de gérer des joueurs partout. Mais tu vas en perdre, tu vas en gagner, c’est comme ça, c’est la loi.
Quel conseil vous donneriez aux nouveaux agents qui se présentent ? C’est quand même un secteur très compétitif.
Très compétitif, très dur. Ce qui a fait la différence c’est le réseau. Si tu arrives à avoir le joueur qui fait la différence, c’est super. Il peut y avoir un agent qui commence et qui d’un seul coup dispose d’un super joueur et lui lance sa carrière. Mais c’est toujours le joueur qui va lancer la carrière de l’agent selon moi.
Moi, j’ai eu des échecs avec des joueurs comme Naïm Sliti. Ils ne jouent pas au Paris FC, puis j’arrive à le faire rebondir au Red Star. Il devient meilleur joueur de National, meilleur joueur de Ligue 2, et je les mets en Ligue 1. Il y en a qui disaient qu’ils n’iraient jamais jouer en Ligue 1… Quand tu crois au joueur, tu sais qu’il a les qualités, tout roule. Si il y a un problème mental, on peaufine; si c’est un problème physique, on essaye d’y remédier.
Que diriez-vous à ceux qui critiquent les agents dans le monde du football ? Elles sont parfois assez virulentes sur le métier d’agent. Vous les comprenez ou pas ?
Pour moi déjà, ce qu’il faut vraiment rectifier, c’est que le métier d’agent c’est un vrai métier. C’est un métier d’humain avant tout. C’est un métier où tu te fais trahir aussi parfois.
On pointe du doigt les agents qui ne parlent que de commissions ou autres. Mais il faut comprendre que dans les deux sens, il y a des joueurs très mauvais et des agents très mauvais. Les agents sont des acteurs du football et les clubs aussi en ont besoin.
On entend régulièrement le rôle important de l’entourage du joueur. Comment le gérez vous ? Il est en connexion directe avec vous sur les décisions du joueur ?
Oui, ça dépend. Maintenant, de plus en plus. La famille est importante pour le joueur et pour moi aussi. J’essaie d’être vraiment très proche d’elles même si ce n’est pas toujours facile à cause de visions différentes. Mais on essaie toujours de s’adapter, de composer.
Ce que je dis aux familles, c’est de privilégier l’intérêt du joueur. Si on commence à travailler chacun de son côté, on n’y arrivera pas et c’est le joueur qui va en pâtir. Si on arrive à trouver cette alchimie là, tout se déroule bien.
Avez-vous vu depuis le début des années 2000 une modification ou un changement sur l’importance de l’entourage autour des joueurs ?
Non, ce n’était pas comme ça. Il y a 5 à 10 ans, j’ai vu un changement. Il y a beaucoup plus de gens autour des joueurs. Après, qui fait quoi, c’est ça qu’il faut savoir.
Qu’est-ce qu’il est nécessaire de privilégier pour un joueur lorsque vous négociez avec un club ? Le temps de jeu ? L’aspect salaire ?
Le temps de jeu. Bien sûr, l’aspect salaire est important, mais tout le monde ne peut pas garantir de temps de jeu. Je mets toujours des objectifs de performance. Plus il joue, plus il gagne, comme ça c’est donnant-donnant.
Vous travaillez beaucoup avec les féminines. Est-ce que le métier est différent qu’avec les hommes ?
Il est un peu différent au niveau mental. Les émotions ne sont pas les mêmes. C’est pour ça que j’ai pris une préparatrice mentale pour les femmes. Elles ne réagissent pas de la même façon, mais par contre, elles sont très pros au niveau du suivi.
Que ce soit préparatrice mentale, nutrition… Elles sont très pros sur ça. J’ai trouvé en elles une certaine rigueur. Au Maroc, j’essaie de les aider à développer le football féminin. Ils ont bien avancé. Ils travaillent très bien et le vivier de talents est important. C’est une super fédération. Franchement, il faut le dire, ils font beaucoup de boulot. Donc, si je peux les aider, je vais le faire au maximum.
Vous travaillez avec pas mal de joueuses marocaines. Y a-t-il une raison à cela ? C’est la fédération qui vous a demandé ?
Non, la fédération ne m’a rien demandé. Mais j’ai eu une première joueuse, Nesryne El Chad, qui était la meilleure jeune espoir Afrique. Elle jouait à Lille. Après ça, je me suis dit, pourquoi ne pas continuer. Je suis bien implanté au sein de la sélection féminine marocaine. Elles jouent dans de gros clubs, Feyenoord Rotterdam, AS Roma…
J’aimerais mettre en avant les progrès significatifs réalisés dans le développement du football féminin au Maroc. Ces avancées se manifestent à différents niveaux, notamment au niveau des installations sportives qui peuvent rivaliser avec les plus grandes infrastructures.
De plus, je souhaiterais souligner l’enthousiasme et le soutien exceptionnels du public marocain envers le football, qui contribuent grandement à l’épanouissement de ce sport dans le pays. L’équipe féminine U20 du Maroc, où je représente un nombre significatif de joueuses, est pour moi un geste fort et une forme d’adoption de la part de ce beau pays.
Et en comparant avec les autres sélections africaines, notamment le Nigéria ?
Oui, il y a une différence. Il faut savoir qu’ils existent depuis plus longtemps que le Maroc. Mais ils sont en train de bien combler le retard. Les joueuses marocaines s’expatrient et elles jouent dans les grands clubs.
Il y a deux phases de travail. Il faut améliorer le championnat marocain féminin local. Et les meilleures joueuses, si elles jouent dans les meilleurs clubs, automatiquement, vont progresser et ça va ramener de la compétence à la sélection.
Vous faites aussi de la boxe en parallèle. Vous réussissez à le gérer, à lier l’un et l’autre ?
Oui, c’est un autre aspect. Je leur propose cette activité boxe et ils adorent ça. C’est un aspect mental de dépassement de soi. J’essaie de leur faire comprendre qu’à un moment donné, quand tu vas être bloqué là-haut, la différence se fait par le mental. Si tu veux te surpasser, il va falloir se faire violence. Il y en a qui ne le font pas et ils restent dans un petit confort.
Moi, la boxe, ça permet de dépasser ce confort là. Il y en a beaucoup qui en font. J’ai eu Mamadou Samassa (gardien de but au Stade Lavallois). Il a travaillé avec Fabrice Allouche et ça lui a fait beaucoup de bien, parce qu’il faisait 2 mètres, mais il avait peur dans les sorties. Il y avait un problème de confiance en soi. J’essaie de ramener ce côté mental au joueur.
Comme je l’ai dit, ça dépend du joueur. Il y a des joueurs avec lesquels je n’ai pas besoin de pousser. Gaël Angoula, je n’avais pas besoin de l’appeler le samedi matin pour lui dire qu’il fallait faire un gros match. Il était déjà au taquet. On se rappelle d’Ibrahimovic avec lui… J’ai fait Ousmane Coulibaly, Samassa et c’est des joueurs qui me le rendent. Et Naïm Sliti, c’est vraiment le garçon avec qui j’ai tout fait.
On voit maintenant de plus en plus de joueurs africains sollicités par les clubs du Moyen-Orient
Oui, beaucoup. Et je pense que c’est l’avenir de l’Afrique, du Maroc, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire. Il y a beaucoup d’Africains partout maintenant.
La CAN nous a montré que ça formait de bons joueurs partout, même à Sao Tome ou en Angola, etc. Des joueurs très sympas avec un collectif. J’ai été extrêmement surpris cette année. Maintenant, il n’y a plus de petites équipes.
Un grand merci à Frank Welfringer pour cette interview – Africafoot
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