Dans le cadre du projet #EspoirsAfrique, qui vise à mettre en avant les centres de formation et les jeunes footballeurs du continent, Africafoot a eu un entretien exclusif avec Seydou Bocar Seck, qui nous parle de son travail d’agent de joueurs et de l’académie Diambars.
Saer Seck, président fondateur de l’académie Diambars, peut anticiper sa retraite s’il le souhaite, bien évidemment, sans craindre que son empire ne s’effondre. Il sera entre de bonnes mains. Pour Saer fils, l’âge c’est juste un chiffre.
Depuis 2021, Seydou Bocar Seck, formé à l’académie juste après la génération d’Idrissa Gana Gueye, s’est lancé dans le monde des affaires. Il est devenu l’agent des joueurs de Diambars. Pas seulement cela, il s’est engagé dans la gestion de son héritage.
Aujourd’hui, c’est une fierté qu’il ressent de voir des jeunes formés par l’académie fondée par son papa, Saer Seck, il y a deux décennies, devenir de vrais hommes :
Former des jeunes est à la fois un plaisir et une motivation. J’ai été au centre avec d’autres jeunes. C’est toujours un honneur de voir des jeunes arrivés à 12 ans, 13 ans et devenir plus tard des hommes. Moi, en tant qu’agent de joueurs qui travaille avec les joueurs de Diambars, la formation des hommes me motive parce que pour moi c’est le plus important.
Aujourd’hui ce qui permet d’exceller dans un domaine c’est l’éducation et l’identité. Quand on prend un jeune à l’âge de 12 voire 13 ans, on doit faire en sorte qu’au jour où nous le remettrons à ses parents, ils soient fiers de ce que leur enfant est devenu.
Plus d’un milliard de francs CFA de budget annuel
L’académie Diambars Football Club est fondée en 2003 par Saer Seck. Cela fait maintenant 21 ans qu’elle forme des jeunes et participe au développement du football sénégalais. Plusieurs footballeurs internationaux ont fait leurs classes chez les Mbourois.
D’Idrissa Gana Gueye en passant par Bamba Dieng jusqu’à Mikayil Ngor Faye, Diambars Football Club a toujours gratifié le public de pépites du ballon rond. Mais cette politique a un coût :
À Diambars, on a un budget annuel qui tourne entre 1,5 million et 2 millions d’euros (plus d’un milliard de francs CFA). C’est beaucoup d’argent, mais c’est aussi ça la responsabilité. On a décidé de prendre des enfants, les former, tout prendre en charge; on se doit de les mettre dans les meilleures conditions pour qu’ils puissent réaliser leur rêve de devenir des footballeurs professionnels. Ça a un coût, et nous n’hésitons pas à le mettre.
Des moyens qui viennent généralement de la poche du président fondateur. Au Sénégal, le modèle économique du sport en général, du football en particulier, n’est pas très fiable. Sans droits TV ni sponsors majeurs, les présidents de clubs sont obligés de puiser dans leurs ressources personnelles pour faire tourner la machine.
35% du budget vient de la poche du président, Saer Seck. Le reste provient des partenaires et des transferts de joueurs. Les partenaires ne sont pas toujours fréquents. Par exemple, le plus gros contrat de partenariat que nous avons signé était avec AIBD.
C’était un contrat de 100 millions par an sur trois ans. C’est minime par rapport à nos dépenses annuelles, mais ça nous permettait de gérer pas mal de choses. Il y a eu également nos partenariats avec l’Olympique de Marseille (pendant 3 ans) et ASPIRE. L’autre rentrée d’argent que nous avons ce sont les transferts de joueurs.
L’équation des transferts de joueurs face à la pression sociale
Chaque année, des dizaines de joueurs quittent l’académie Diambars Football Club pour l’Europe. Selon Seydou Bocar Seck, l’académie fait énormément de sacrifices pour permettre aux jeunes de réaliser leur rêve :
Pour transférer des joueurs, nous renonçons à l’indemnité de transfert pour faciliter leur départ, en signant une clause de prime au prochain transfert. C’est un pari risqué, car cela peut fonctionner comme cela peut ne pas fonctionner pour le joueur par la suite.
Aujourd’hui, nous ne pouvons pas retenir un joueur parce que le club qui souhaite le signer ne nous a pas payé nos indemnités de transfert. Dès qu’un club s’intéresse à un joueur, la famille est au courant et commence à nous mettre la pression pour que nous laissions le joueur partir. On le comprend, car le football est perçu ici comme un moyen d’ascension sociale.
Quand les faux agents envahissent le marché
Pour un jeune footballeur, signer en Europe est synonyme de réussite. Des agents véreux en profitent pour leur miroiter une vie de rêve, en leur promettant monts et merveilles. Ces pratiques créent aujourd’hui un climat de méfiance entre parents de joueurs et clubs formateurs.
Aujourd’hui, le marché africain, notamment sénégalais, est prisé. C’est dû aux récents résultats de nos sélections jeunes. Donc les clubs européens se disent qu’il y a beaucoup de talents et que le coût est moins élevé. Étant donné que c’est un business florissant, beaucoup d’agents étrangers viennent en essayant de sortir les jeunes des centres de formation pour les faire signer en Europe.
Ils passent forcément par les parents des joueurs en leur donnant de l’argent pour récupérer le jeune. Dans cette affaire, ce sont les clubs formateurs qui sont perdants. Parce qu’ils ne peuvent pas signer un mineur pour plus de trois ans. À la fin du contrat, il peut signer gratuitement où il voudra. Tu seras obligé de trouver des compromis ou, si la famille du joueur est reconnaissante, elle fera en sorte que tu aies une indemnité de formation.
La Lettonie, la nouvelle destination des académiciens
Depuis plus de trois ans, la Lettonie est devenue la destination des joueurs formés à l’académie Diambars de Saly. Un choix sportif et social selon Seydou Bocar Seck :
J’ai embrassé la carrière d’agent de joueurs en 2021. À l’époque, Diambars n’avait réussi à signer que deux joueurs pendant près de 6 ans : Arial Mendy vers le RC Lens et Bira Gueye vers Al-Shabab (Arabie saoudite). J’arrive, je vois des joueurs de qualité, mais qui ont 22, 23 ans. L’ambiance n’était pas bon enfant. Les joueurs veulent partir parce qu’ils disent qu’ils ont trop duré ici…
Les clubs maintenant te demandent des joueurs de 18 ans, avec un statut d’international. Donc il fallait très vite trouver une solution. J’en ai parlé avec le président (Saer Seck). Je lui ai dit qu’il va falloir qu’on trouve une solution : c’est soit libérer des joueurs ou leur trouver des championnats intermédiaires, tout en sachant qu’à 22 ans ou 23 ans, c’est très difficile.
Moi je peux trouver des pistes pour qu’on envoie là-bas les garçons pour des transferts libres et on va mettre une clause de 50% à la revente. Nous avons démarré avec Ousseynou Niang, Mor Talla et Mouhamed Bachir Ngom. Ça a bien marché avec eux. Ils avaient des salaires supérieurs à ce qu’on propose en Ligue 2 en France. Aujourd’hui Ousseynou Niang a signé à l’Union Saint-Gilloise. Avec le travail, les autres suivront.
La loyauté avant l’oseille
Pour Seydou Bocar Seck, l’être est plus important que l’avoir. Si pour certains agents les commissions sur les transferts sont primordiales, ce n’est pas le cas du désormais ex-agent de Bamba Dieng :
Je ne travaille qu’avec les joueurs qui le souhaitent. Je ne force personne. C’est vrai que je suis l’agent qui travaille avec les joueurs de Diambars, mais il va falloir que le joueur le veuille. La preuve, j’ai sorti des joueurs du Sénégal qui, aujourd’hui, ont décidé de changer d’agent.
Je les ai laissés partir. Entre moi et les joueurs, il n’y a pas de papiers signés. Parce que pour moi, la loyauté est au-dessus de l’argent. Certains seront toujours loyaux, d’autres ne le seront pas. C’est comme ça la vie.
Sur ces trois dernières années, Bright Management Group (BMG) de Seydou Bocar Seck a réalisé plus de 30 transferts de joueurs de l’académie Diambars Football Club de Saly. Il entend continuer à offrir des opportunités aux jeunes joueurs de son club. D’autres départs sont envisagés dans les mois à venir, cette fois vers de grands clubs européens.
Dans notre série #EspoirsAfrique, nous vous invitons à lire également l’article Generation Foot, la promesse d’un avenir radieux – Analyse du formateur des U17.