Champion d’Afrique U17 en 2017 avec les Aiglonnets du Mali, le jeune prodige malien Abdou Salam Ag Jiddou, avait signé un contrat dans la foulée à l’AS Monaco. Malheureusement, son aventure sur le Rocher ne s’est pas bien passée comme prévu. L’ancien pensionnaire de l’académie Jean-Marc Guillou s’est très vite confronté à énormément de problèmes, qui ont ralenti complètement son accession.
Dans cet entretien accordé à Africafoot, la nouvelle recrue estivale de l’Entente Sportive de Sétif (D1 algérie), vient de briser le silence et vider son cœur de toutes ces années de souffrance et de discrimination. Aujourd’hui, il espère relever le défi et relancer sa jeune carrière de footballeur professionnel.
Entretien.
Vous venez de signer pour 2 ans en faveur de l’Entente Sportive de Sétif. Comment s’est passé le contact avec le club algérien ?
J’ai signé à Sétif via un agent tunisien, qui m’a ramené l’offre du club. Ensuite, j’ai été en contact avec la direction. Ils ont essayé de me parler du projet du club et de son histoire. Avant cela, j’avais des propositions avec plusieurs clubs en Europe. Finalement, j’ai décidé de poser mes valises en Algérie. Une décision réfléchie de ma part.
L’Égypte a Salah, mais le Mali a Salam. Considéré comme l’un des grands espoirs du football africain, derrière le Sénégalais Krépin Diatta et le Marocain Achraf Hakimi en 2017. Pensez-vous avoir fait un mauvais choix, en signant votre premier contrat pro à l’AS Monaco ?
Le Mali a Salam (rires…), c’est vraiment drôle. Non, je n’ai aucun regret d’avoir signé à Monaco. C’est un choix que j’ai fait et j’assume la responsabilité. Quand j’avais signé à Monaco, personne ne savait que ça allait se passer comme ça. La page est désormais tournée et il faut aller de l’avant. Je suis quelqu’un de croyant et je crois en Dieu et au destin.
Beaucoup d’observateurs maliens estiment que le talent de Salam, est indiscutable, mais qu’il n’a plus travaillé assez depuis qu’il a quitté le pays. Pouvez-vous nous raconter un peu les difficultés que vous avez rencontrées sur le Rocher ?
Vous savez, si je ne travaille pas ou si je travaille, il n’y a que moi qui sais au fond. Je n’ai pas besoin de prouver à qui que ce soit, si je travaille ou pas. Mais, tout ce que je sais, Salam ne se ment pas à lui-même. L’avis des autres ne m’intéresse pas et ça ne me regarde pas. J’ai appris beaucoup de choses à Monaco durant ces dernières années, surtout au niveau mental. Quand tu quittes ton pays et venir pour la première fois en Europe, loin de ta famille et pour vivre seul, le début n’est pas facile. J’ai eu une malchance de tomber sur un coach, qui était un peu raciste, qui n’aimait pas les joueurs africains. C’est des choses qui arrivent dans le milieu du football et surtout avec moi.
Lui et moi, ça ne collait vraiment pas. Il m’a montré vraiment A+B, que ce n’était pas au niveau du terrain ou à l’entraînement. J’étais parmi les meilleurs à l’entraînement, au football tu ne peux pas mentir. Si tu es bon ou pas, ça se voit direct. Mais, derrière tout ça, il y avait quelque chose, dont je n’ai pas de réponse jusqu’à aujourd’hui. C’est très dommage, car c’est une personne au fond, qui a été méchante. J’appelle cela tout simplement de la méchanceté gratuite, car il a vu un jeune venu d’Afrique, surtout du Mali. Qui venait d’être Champion d’Afrique U17 et 4ème mondial. Mieux, tout le monde parlait de ce pauvre petit malien avec un plein potentiel. Malheureusement, il m’a mis des bâtons dans les roues.
Heureusement, comme dans ma tête j’ai la foi et j’ai toujours eu confiance en moi, quelle que soit la situation. J’ai toujours continué à travailler et être positif dans ma tête chaque jour à l’entraînement et continuer à être professionnel même si ma situation n’était pas du tout facile. Il n’y a que moi qui sais ce que je vivais à Monaco et personne d’autre. Chacun peut interpréter à sa manière et comme il veut. Mais, la vraie version, il n’y a que moi qui sais tout. On ne peut jamais cacher le soleil avec une seule main. Un jeune joueur africain venu du Mali, qui avait des rêves à réaliser, mais quand tu tombes sur des gens qui t’envie et qui veulent pas te voir avancer devant leurs petits français. J’appelle cela être méchant, mais tout ce que Dieu fait est bon.
Personne ne peut empêcher ce qu’Allah a écrit pour sa créature. C’est ce que j’ai fait savoir à l’entraîneur français David Bechkoura, car il ne me respecte pas et au bout d’un moment j’en avais marre de son injustice et de son racisme vis-à-vis de ma modeste personne. Je suis quelqu’un, qui ne peut faire de l’hypocrisie et c’est dommage pour le football, surtout en Europe. Il faut être hypocrite pour être apprécié ou « sucer » le coach pour jouer le week-end et moi mon éducation ne me permet pas d’être ce genre de personne. Si ce que je te montre dans la semaine à l’entraînement ne te suffit pas, pour être dans les 11 au week-end, je suis désolé .
Donc pour vous dire, je reviens à mon choix à Monaco. Même si c’était à refaire, je le referai. Je n’ai aucun regret pour cela et ça m’a appris beaucoup de choses qui me permettront demain et dans les jours où les années à venir, de ne plus faire les mêmes erreurs, que ça soit moi ou mes proches et peut-être mes enfants. Le meilleur conseil d’une personne dans la vie, c’est le vécu.
Un message à tous les jeunes joueurs venant d’Afrique qui souffrent de racisme, d’injustice dans leurs clubs respectifs en Europe, qui jouent en réserve d’un club professionnel, alors qu’ils méritent d’être avec les pros, soyez courageux et continuez à travailler. Surtout, ne lâchez rien et soyez très fort mentalement, car nous venons de très loin. N’oubliez jamais d’où vous venez, le football est un marathon, pas un sprint. Chacun suit son destin et personne n’est en retard.
À un moment donné plusieurs clubs européens désiraient vous recruter, à l’instar de l’Olympiakos, AEK Athènes ou encore Real Majorque. Mais, les choses ne sont pas passées comme prévu. Quel était alors le problème ?
Pas mal de clubs étaient intéressés par mon profil, comme vous avez dit. Mais, rien n’a marché à cause de Monaco. à chaque fois, le club demandait trop d’argent et vu que je n’ai pas joué en pro, les prétendants n’osaient pas mettre autant d’argent sur moi. Donc, cela a bloqué pas mal de départs de l’AS Monaco. Ce qui m’a d’ailleurs beaucoup frustré. Mais, comme je ne cesse de le dire, ça ne devait pas se faire. Je devais donc attendre jusqu’à la fin de mon contrat, pour finalement partir. Ce n’était pas ce que je souhaitais faire, mais ce sont les choses de la vie, tu ne peux rien y faire et surtout quand tu es accompagné avec des mauvaises personnes (des agents qui regardent leur propre intérêt, avant de regarder l’intérêt du joueur, Ndlr ).
Comme je dis, c’était écrit et c’est tout. Je reste toujours positif dans la vie. La situation que j’aui vécu à Monaco, tu prends 100 joueurs, au moins 95 joueurs allaient arrêter le football, peut-être se suicider, devenir alcoolique, drogué ou rentré dans les trucs bizarres de la vie. Mais, je dis Al Hamdoulilah, Dieu m’a donné la force de tenir la situation et je le remercie chaque jour .
Comme on dit, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Salam s’est enfin décidé à prendre du recul, pour mieux sauter ?
Exactement, il n’est jamais trop tard pour bien faire et surtout pour mieux faire. Je n’ai pas peur de retourner en Afrique, car tout d’abord le football est ma passion et j’ai besoin de jouer, de gratter des minutes et me sentir bien. Surtout, être heureux quel que soit le pays ou la division, car avant de venir à Monaco j’étais à Bamako. J’avais besoin de changer d’air et de prendre du plaisir dans ce que j’aimes faire depuis étant petit, car un joueur qui ne joue pas ne peut pas être heureux. En tout cas, moi je suis comme ça. Après, il n’y a pas que le football, par exemple il y a la famille. Le football finira un jour, ta carrière tu l’arrêteras un jour, c’est sûr. Mais, ta famille, tes enfants, ton père, ta mère, tes frères, tes sœurs, ta femme et les gens proches, resteront toujours là quelle qu’en soit la situation. Pour moi, je pense que c’est le plus important de tout.
Quels sont les objectifs que vous vous fixez avec l’Entente Sportive de Sétif ?
Mes objectifs personnels avec Sétif, c’est tout d’abord essayer de m’imposer et jouer le maximum de matchs possible, aider le club à se mettre où il mérite dans le championnat algérien, car c’est un grand club en Algérie et l’un des clubs les plus titrés du pays. Donc, il y a beaucoup de pression, mais on prend cette pression positive, car l’attente est grande et je prie Dieu d’avoir toujours la santé. Pour moi, c’est le plus important de tout.
Les supporters maliens sont impatients de voir Salam Ag Jiddou arborer les couleurs de l’Équipe nationale du Mali. Partagez-vous cette opinion ?
Les supporteurs maliens ont toujours eu cette impatience et amour à mon endroit, parce que c’est ce que je leur ai montré quand je mouillais les couleurs vert, or et rouge, quand je jouais avec les sélections de jeunes. Donc, c’est tout à fait normal qu’ils sachent aussi que je reviendrai avec force si Dieu le veut. Je ne sais pas quand, mais qu’ils continuent de me soutenir comme ils le font toujours.
Champion d’Afrique U17 et demi-finaliste de la Coupe du monde de la même catégorie en 2017, avec des joueurs comme Cheick Doucouré, Mohamed Camara, Lassana Ndiaye… Quel souvenir gardez-vous de cette belle époque ?
C’est un souvenir inoubliable et une génération dorée. On avait une équipe imbattable et soudée. Nous étions comme une famille et c’est ça qui était surtout la force de cette équipe. Comme vous l’aviez vu, champion d’Afrique U17 et 4ème mondial. Je pense qu’après la génération 2015 des U20 en Nouvelle-Zélande, nous étions la meilleure équipe en jeunes, en termes de jeu qu’on proposait et la qualité de cette équipe. Je suis toujours amoureux de cette équipe jusqu’à présent.
Pensez-vous que l’Équipe nationale A du Mali, peut désormais prétendre au titre de Champion d’Afrique des nations, après ceux de U17 et U20 ?
Pour moi, l’Équipe National A du Mali est la meilleure équipe d’Afrique en ce moment et peut gagner quelque chose, si on met tout en place pour les joueurs, être organisé et être plus professionnel. Surtout les plans et mettre à disposition toutes les choses nécessaires dont les joueurs auront besoin, car la CAN on peut bien la prendre. Mais, il n’y a pas que le terrain et le plus important en sélection, c’est hors du terrain, les petits détails. Par exemple, comme la récupération, avoir tous les matériels médicaux possibles, pour que les joueurs récupèrent plus vite.
Les matchs à la CAN, c’est chaque 3 à 4 jours. Mais, donner les primes en temps et payer les salaires des entraîneurs, motivent les joueurs au maximum. Vous verrez ce qui se passerait derrière. Aujourd’hui, le Mali n’envie aucun pays au niveau football donc profitons de cette belle génération pour gagner quelque chose et donnez du plaisir au peuple malien car le peuple malien attend ce genre d’émotion depuis tant d’années et je pense que c’est le bon moment.
Abdou Salam Ag Jiddou serait-il prêt à venir renforcer les rangs des U23, en vue des Jeux Olympiques de Paris 2024, si le sélectionneur Aliou Badara Diallo, lui faisait appel ?
Je suis toujours prêt quand mon pays et si on fait appel à moi, soyez sûr que je viendrai défendre toujours les couleurs de la patrie, comme il est de mon devoir. Je donnerai toujours le maximum de ce que je peux, car je n’ai jamais déçu en sélection. Al Hamdoulilah, je remercie Dieu pour cela.